Les bons jeux au bon moment : c'est le slogan de Lib&Lou, qui propose un service d'abonnement permettant aux enfants d'avoir les jouets qui leur conviennent et de les renouveler sans contrainte. Le concept de cette startup basée à Vierzon attire de grandes marques comme Playmobil. Elle souhaite aujourd'hui lever des fonds pour accélérer son développement. Interview de Julie Mélet, cofondatrice et Chief Strategy Officer.
Comment présentez-vous Lib&Lou ?
Julie Mélet : Nous proposons un service d'abonnement sans engagement qui permet d'avoir les bons jeux au bon moment, en accompagnant chaque enfant à son rythme. Lib&Lou vient de LIBerté de LOUer. Nous avons trois formules de location pour disposer de 4 à 10 jeux, en les échangeant librement, pour 20, 25 et 30 euros par mois.
Pour illustrer au mieux notre concept, nous avons pensé à nous définir comme le Netflix du jouet, mais cela ne traduit pas la démarche écoresponsable que nous portons. Notre objectif est en effet de lutter contre la surconsommation de jouets et de contribuer à la réduction des 100 000 tonnes de déchets produits chaque année par les jouets.
À l'inverse d'une ludothèque, nous permettons aux familles de recevoir les jouets en points relais, sans notion de durée de prêt, en pouvant passer commande sur notre site, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Nous avons une portée nationale, et même européenne, puisque nous livrons aussi en Belgique et au Luxembourg.
Comment est née Lib&Lou ?
L'entreprise a été créée par Morgane Longo. Elle a passé 10 ans dans le milieu de la petite enfance comme diététicienne. À la naissance de sa deuxième fille, elle a réalisé qu'elle ne pouvait pas acheter sans cesse des jouets, qui coûtent cher et que les enfants utilisent six mois au maximum. Sans parler de son salon qui commençait à ressembler à un magasin de jouets ! Elle a cherché sur Internet une façon de louer des jouets écoresponsables et éducatifs... et elle n'a rien trouvé. Elle a alors développé le concept de Lib&Lou, qu'elle a présenté à un Startup Weekend à Bourges et qu'elle a remporté. Cela a fini de la convaincre de lancer le projet, au départ seule, et rejointe ensuite par deux associés, Alban Le Gourrierec, qui vient de l'industrie, et par moi-même, qui vient de la grande distribution.
Vous avez, vous aussi, un parcours atypique...
J'ai travaillé en grande distribution, chez Carrefour et Intermarché, en tant qu'acheteuse national puis international. La consommation responsable m'intéresse depuis longtemps : j'ai d'ailleurs lancé au sein du groupe Carrefour une marque de cartouches d'encre basée sur le principe de l'économie circulaire, toujours disponible en magasins. Mon expérience en grande distribution a été très formatrice et m'a permis de développer ma résilience, ma détermination et mes capacités de négociation.
Mais au bout d'un moment, je n'étais plus en phase avec mes valeurs personnelles, je n'arrivais plus à chercher à faire consommer toujours plus. La crise du Covid m'a incitée à passer à l'action. C'était un moment où j'ai perdu le goût et l'odorat. Cela m'a fait prendre conscience que tout pouvait s'arrêter du jour au lendemain. Je suis partie, un peu sans filet, en ayant en tête de créer une entreprise, et j'ai rencontré Morgane qui était dans le même incubateur que moi.
Y a-t-il eu des freins à lever pour inciter les familles à s'abonner pour leurs jouets ?
Comme dans chaque innovation, il y a une phase d'itération. Nous testons et nous apprenons. Au départ, Lib&Lou proposait de la location unitaire de jouets, avec des prix différents selon chaque jouet. Les clients se montraient intéressés, mais le business model était complexe à mettre en œuvre. Nous avons beaucoup échangé avec nos clients, notamment dans notre concept store basé à Vierzon. Nous avons décidé d'y tester pendant un an le modèle de l'abonnement, avant de le généraliser.
Quand on se lance dans l'économie d'usage, il faut être dans la proximité client, connaître leurs attentes, leurs besoins... Nous progressons chaque jour en fonction de leurs retours.
Il a aussi fallu lever des freins, notamment en rassurant nos clients sur la flexibilité du concept, le nettoyage et la garantie casse, intégrés dans nos formules.
Il y a beaucoup de casse ?
Très peu. C'est un indicateur que nous pilotons et qui est en deçà de nos prévisions. Nous sélectionnons des produits qui vont être réutilisables dans le temps en sourçant des jouets de qualité, fabriqués en zone européenne, en bois ou dans des matières responsables. Quand les jeux arrivent en fin de cycle d'utilisation, ils rentrent dans notre stock de pièces détachées pour être réutilisés et viennent compléter des pièces manquantes. C'est en cela que notre modèle est vertueux. D'ailleurs, depuis la commercialisation de Lib&Lou, nous n'avons jeté aucun jouet.
L'abonnement change-t-il la relation client ?
Oui, nous créons une relation avec nos clients sur plusieurs années et non pas sur une transaction unique. Nous co-construisons notre catalogue avec nos abonnés pour répondre au mieux à leurs attentes. Beaucoup de clients nous demandent également des conseils sur le choix des jeux pour éveiller au mieux leurs enfants (motricité fine, repérage spatio-temporel, etc.).
Votre concept intéresse des fabricants de jouets ?
Nous venons de conclure un partenariat avec Playmobil, qui est très intéressé par l'économie d'usage et qui nous a ouvert son catalogue à la location. Nous avons déjà 40 marques partenaires. Elles nous ont rejoints car elles voient avec nous l'opportunité, entre autres, de recueillir des données et d'avoir des retours sur le comportement des clients. Nous nous efforçons, avec nos fournisseurs, de construire un modèle plus durable.
Certaines familles utilisent également notre service pour tester les jeux avant d'activer l'option d'achat. La location sous forme d'abonnement peut être un bon moyen d'essayer avant d'acheter.
Votre concept est-il protégeable ? Les marques aujourd'hui partenaires pourraient être les concurrents de demain...
Nous permettons aux parents d'avoir le choix entre plusieurs marques. Nous disposons aussi d'avantages concurrentiels grâce à notre maîtrise de la logistique et via la technologie que nous avons développée. Aujourd'hui, très peu d'acteurs proposent de la location liée à du réemploi. En pratique, cette logistique est complexe à mettre en place et nous avons le savoir-faire, l'exécution. Trois ans d'expérience sur un modèle innovant, cela crée une différence.
Votre business model est-il rentable ?
Oui, mais nous avons encore besoin de nous développer pour pérenniser l'entreprise et continuer de créer des emplois. Nous sommes 8 en tout aujourd'hui, avec plus de 3 000 utilisateurs. Notre objectif est de devenir un acteur incontournable et de développer ce principe d'économie d'usage en France et aussi en Europe.
Cela va nécessiter des investissements pour notre bon développement, et c'est d'ailleurs ce pourquoi nous sommes en levée de fonds. Nous souhaitons nous entourer de partenaires qui pensent également que nous devons agir pour l'économie de demain.
Si vous êtes intéressés par l'aventure Lib&Lou, nous mettons à disposition sur ce lien notre dataroom permettant d'en savoir plus. Nous sommes convaincus que l'économie d'usage est la réponse à nos enjeux d'aujourd'hui.